Alors que le potentiel économique du marketing d'influence continue de croître en Afrique, aucun pays du continent n'a encore mis en place de règles fiscales spécifiques pour les influenceurs. Les rares pays à avoir abordé cette question, comme le Cameroun et le Kenya, se concentrent principalement sur les revenus générés par les réseaux sociaux. La tâche reste ardue pour les autorités fiscales, confrontées à l'ambiguïté entourant cette nouvelle activité et ses revenus.
Un rapport publié par Ecofin Pro le 29 mai dernier, intitulé « En Afrique, le fisc s’intéresse au marché croissant du marketing d’influence », met en lumière cette complexité. En 2015, seulement 33% des marques en Afrique utilisaient des influenceurs pour promouvoir leurs produits, mais ce chiffre a bondi à 63% en 2020, selon l'agence de marketing digital Webcoupers. Une étude plus récente, « State of Social 2023 », indique même que 38,5% des entreprises collaborent avec des influenceurs africains, un taux supérieur à la moyenne mondiale de 34,4%.
Les chiffres mondiaux du marketing d'influence sont impressionnants. En 2021, ce marché a généré 7,36 milliards de dollars, avec des projections atteignant 69 milliards de dollars d'ici 2029, selon Data Bridge Market Research. En Afrique, les revenus générés par le marketing d'influence restent difficiles à quantifier, mais des estimations suggèrent que 159,90 millions de dollars ont été dépensés en 2022 pour des promotions via des influenceurs, un chiffre qui pourrait atteindre 267,5 millions de dollars en 2028.
L'intérêt des autorités fiscales africaines pour la taxation des influenceurs est croissant, surtout avec l'exposition médiatique de personnalités comme Khaby Lame, un influenceur d'origine sénégalaise. Au Cameroun, une circulaire ministérielle impose depuis janvier 2024 une taxe de 5% sur les revenus générés par les plateformes numériques. Au Kenya, une taxe de 15% pour les créateurs de contenu a été instituée fin 2023. Au Maroc, les influenceurs ont reçu des notifications de la direction générale des impôts en 2023.
Cependant, la mise en place de ces taxes est un défi en raison de la nature informelle du marché. Les collaborations avec des particuliers échappent souvent à la traçabilité, compliquant l'évaluation des revenus. De plus, les influenceurs ne sont généralement pas considérés comme des employés des marques ou des agences, mais comme des entrepreneurs indépendants, responsables de payer leurs propres taxes.
La difficulté de taxer les influenceurs n'est pas unique à l'Afrique. À l'échelle mondiale, peu de pays ont mis en place des régulations spécifiques pour cette profession. En France et aux Émirats arabes unis, les influenceurs n'ont été mentionnés dans les régulations fiscales qu'à partir de 2023.
Pour surmonter ces défis, les autorités fiscales africaines pourraient s'inspirer des pratiques observées ailleurs. Par exemple, fixer un seuil à partir duquel tous les paiements versés aux influenceurs sont taxés à la source, une méthode utilisée aux États-Unis. Là-bas, tout paiement de plus de 600 dollars versé à un influenceur doit être déclaré via un formulaire spécifique.
La collaboration avec les réseaux sociaux est également essentielle pour taxer les revenus directs des influenceurs, bien que compliquée par le manque de représentants légaux de ces plateformes en Afrique. En attendant, les pays africains peuvent adopter des mesures globales pour améliorer la traçabilité et la taxation des revenus générés par les influenceurs, afin de mieux capturer le potentiel économique de ce marché en pleine expansion.