Le secteur du luxe traverse une période charnière. Après plusieurs années de croissance soutenue, seuls 33 % des acteurs du secteur ont enregistré une progression en 2024, contre 95 % en 2021-2022. Cette situation survient dans un contexte de ralentissement économique et de remise en question de la valeur perçue des produits de luxe. Les critiques sur le manque de transparence des marques et la nécessité d’adopter un rapport qualité/prix plus juste poussent l’industrie à se réinventer.
C’est ce qui ressort de l’étude Luxury Redefined 2025, réalisée par Kantar en collaboration avec Altiant. L’étude, menée auprès de clients à hauts revenus en France, aux États-Unis, en Chine et aux Émirats arabes unis, met en lumière un changement profond dans les attentes des consommateurs, en particulier des jeunes affluents de moins de 35 ans. Ces derniers sont à l’origine d’un nouveau concept de luxe, plus délinéarisé, où l’expérience prime sur la possession.
Le luxe n’est plus uniquement un marqueur social ou patrimonial, il devient un vecteur d’émotion et de bien-être. Le secteur se réinvente autour de nouvelles valeurs, avec une forte demande pour des expériences multisensorielles et immersives. Selon l’étude, 43 % des jeunes affluents prévoient d’augmenter leurs dépenses dans les spas, 40 % dans l’hôtellerie de luxe et 37 % dans la gastronomie. De plus, 84 % des jeunes affirment que le luxe réside avant tout dans l’expérience offerte en magasin, une tendance qui montre l’importance de l’interaction physique avec les produits.
Pour Cécile Lejeune, présidente de Kantar Insights France, les marques qui réussiront à intégrer des expériences immersives, qu'elles soient phygitales, sensorielles ou narratives, auront l’opportunité de se démarquer. "Les jeunes consommateurs recherchent des contenus riches et immersifs, que ce soit à travers des vidéos de défilés, des démonstrations de l’artisanat ou encore des informations sur les démarches durables", explique-t-elle.
Les jeunes affluents ne suivent plus un parcours d'achat linéaire. Loin de l’impératif de la possession, ils se tournent vers des modèles de consommation plus flexibles. La location, la seconde main, le co-luxing (achats partagés) et même l’utilisation de produits similaires à des « dupes » sont des pratiques en forte croissance. L’étude révèle que 28 % des jeunes affluents achètent en seconde main (41 % en Chine), 20 % privilégient la location et 17 % pratiquent le co-luxing.
Anne-Lise Toursel, directrice générale de Kantar Insights France, souligne l'impact de ces nouvelles pratiques : "Les jeunes générations influencent de plus en plus les comportements des consommateurs plus âgés. Les repères traditionnels du luxe sont en train de se redéfinir."
L’étude identifie plusieurs profils dominants parmi les jeunes affluents, reflétant une diversité d’aspirations et de styles de consommation. Parmi eux, on trouve les explorateurs culturels (25 %), les charismatiques festifs (20 %), les ambitieux prestigieux (18 %) et les authentiques engagés. Cette variété d’attentes exige des marques une capacité à sortir des stéréotypes et à proposer des offres personnalisées qui répondent aux besoins spécifiques de chaque groupe.
Mais cette diversité s’accompagne d’un niveau d’exigence élevé, particulièrement en matière de responsabilité. Les jeunes affluents sont de plus en plus conscients de l'impact environnemental et social des marques. En effet, 67 % des jeunes déclarent être prêts à boycotter une marque si celle-ci ne respecte pas des critères environnementaux stricts.
Françoise Hernaez, responsable du secteur Luxe chez Kantar Insights France, conclut : "Cette étude ne montre pas un désintérêt pour le luxe, mais un besoin de transformation profonde. Les jeunes affluents cherchent à donner un sens à leurs achats, réclament de l’émotion, de l’innovation et attendent des marques qu’elles se réinventent."
Le luxe de 2025, plus pluriel et plus exigeant, incarne donc un secteur en pleine mutation. Alors que les attentes des consommateurs changent, les marques devront se réinventer pour répondre à ces nouvelles aspirations, mêlant expérience, flexibilité et responsabilité.