Dans un scénario moins chaotique et moins noir que celui de la série-phénomène, Succession, Rupert Murdoch annonce son départ de la direction de Fox Corporation et de News Corp, l’un des empires de l’information les plus influents dans le monde d’Après-guerre.
Cette démarche marque un tournant significatif dans le paysage médiatique mondial. Alors même que la relève est toute assurée, son fils Lachlan est d’ores et déjà le nouveau patron du groupe, l’avenir de ces géants de l’information est incertain. Murdoch, âgé de 92 ans, a joué un rôle essentiel dans l'industrie des médias pendant plus de sept décennies. Son départ signifie la fin d'une ère, mais en assumant le rôle de président émérite, il demeure une présence redoutable au sein des deux sociétés.
Rupert Murdoch, le puissant magnat des médias de droite qui a bâti et dirigé l'un des empires de l'information les plus influents au monde, a annoncé jeudi qu'il se retirait de la présidence de ses sociétés, Fox Corporation et News Corporation.
«Tout au long de ma vie professionnelle, je me suis consacré quotidiennement à l'actualité et aux idées, et cela ne changera pas», a écrit M. Murdoch, âgé de 92 ans, dans une note adressée à ses employés. «Mais le moment est venu pour moi d'assumer d'autres rôles, sachant que nous avons des équipes vraiment talentueuses».
En tant que dirigeant de Fox et de News Corporation, qui publie des journaux influents tels que le Wall Street Journal et le tabloïd New York Post, Rupert Murdoch exerce depuis des décennies une influence considérable sur le parti républicain,celui de Donald Trump, qui n'est égalée que par une poignée de personnes triées sur le volet.
Moment clé de l’industrie des médias
Son départ intervient à un moment clé de l'industrie des médias, alors que les géants du divertissement sont confrontés à une transformation radicale de la télévision et du cinéma traditionnels et que les consommateurs se tournent rapidement vers les services de diffusion en continu.
La décision de Murdoch de quitter la présidence de ses entreprises va également provoquer une onde de choc dans le monde politique, juste au moment où la course à la présidence de 2024 s'intensifie. Fox News reste prisonnière d'un litige lié à la diffusion par la chaîne des mensonges électoraux de l'ancien président Donald Trump à la suite des élections de 2020.
Une carrière riche en rebondissements et en controverses
La carrière de Rupert Murdoch est caractérisée par une quête incessante d'influence médiatique. Il a commencé son parcours en Australie dans les années 1950 et a ensuite acquis des médias de premier plan tels que le News of the World et The Sun au Royaume-Uni en 1969. Son expansion aux États-Unis comprenait des achats notables comme le New York Post et le Wall Street Journal. À travers News Corp, il a maintenu la propriété de nombreux médias locaux, nationaux et internationaux.
Cependant, la carrière de Murdoch n'a pas été sans son lot de défis. En 2005, il a acquis le site de médias sociaux Myspace pour une somme importante, seulement pour le voir éclipsé par Facebook et plus tard vendu avec une perte considérable. L'un des épisodes les plus dommageables de sa carrière a été le scandale d'écoutes téléphoniques impliquant le News of the World, ce qui a entraîné des règlements coûteux dépassant 1 milliard de livres sterling pour les victimes d'écoutes téléphoniques.
Succession
La série "Succession", drame familial autour d’un magnat de la presse vieillissant, s’est largement inspiré de traits d’humour noir de l’empereur des médias Rupert Murdoch et de sa famille
Comme dans la série, la question de la succession de Murdoch a été un problème de longue date. Ses six enfants adultes, dont James, Elisabeth et Lachlan, étaient considérés comme des héritiers potentiels de son empire médiatique. James Murdoch, connu pour ses opinions politiques plus libérales, a quitté le conseil d'administration de News Corp en 2020 en raison de désaccords concernant le contenu éditorial et les décisions stratégiques. Elisabeth a créé sa propre société de production télévisuelle, Shine, tandis que Lachlan avait précédemment quitté l'entreprise en 2005, mais est revenu en 2014 et occupe depuis des postes clés au sein de l'empire.
La décision finale quant au successeur de Murdoch est finalement revenue à Lachlan, qui s'est imposé comme l'héritier choisi. Sa nomination en tant que président des deux sociétés familiales, Fox Corporation et News Corp, consolide sa position en tant que porteur de flambeau de l'héritage Murdoch. L'alignement politique de Lachlan sur son père suggère que tout changement dans la direction des entreprises est susceptible d'être minime, avec peut-être un accent accru sur l'expansion des services de streaming comme Tubi.
Un timing bien étudié
Le timing de cette transition est remarquable, intervenant à peine un an avant une élection présidentielle américaine cruciale, où la puissante Fox News à tendance conservatrice joue un rôle significatif. Le rôle de la chaîne dans l'organisation de débats entre les candidats républicains à la Maison Blanche en 2024 souligne son importance politique.
Les investisseurs avaient précédemment remis en question la santé et le leadership de Rupert Murdoch, notamment à la suite de règlements coûteux et de disputes publiques au sein de l'entreprise. Sa décision de prendre du recul par rapport à sa participation directe sur les marchés publics peut rassurer certains actionnaires, mais il est largement admis que son influence persistera tant qu'il sera en vie.
En regardant vers l'avenir, le transfert de contrôle à la prochaine génération de Murdoch pourrait introduire des changements significatifs dans l'empire médiatique. Le trust familial, (outil puissant de planification successorale) qui détient en fin de compte le pouvoir sur Fox Corporation et News Corp, passera aux quatre aînés de la fratrie. Cela pourrait entraîner des modifications dans la direction d'actifs clés, tels que Fox News, et d'autres évolutions dans la stratégie médiatique au cours d'une période de transformation numérique.
Bien que le départ de Rupert Murdoch puisse marquer une transition, il semble qu'il ne soit pas prêt à prendre sa retraite complète, mettant en avant sa participation continue dans le "concours des idées" et exprimant des préoccupations concernant d'autres médias. L'étendue de son influence continue reste à déterminer, mais pour l'instant, l'héritage de Rupert Murdoch demeure une force redoutable dans le paysage médiatique. En tant que président émérite, son poids perdurera, laissant planer l'ombre d'une présence incontournable.
