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Le Bitcoin devient officiellement la monnaie nationale du Salvador

Le Salvador est depuis ce matin le premier pays du monde à considérer le bitcoin comme monnaie officielle, aux côtés cependant de la devise déjà en cours, le dollar américain. Une décision du très populaire président, Nayib Bukele. Mais la mesure semble plutôt rejetée par une grande partie des Salvadoriens.

Le Salvador ouvre-t-il une porte, ou fonce-t-il dans un mur ? Ce pays d’Amérique centrale entre en tout cas dans l’histoire, mardi 7 septembre, en devenant le premier au monde à faire du bitcoin une monnaie légale.

« Demain [mardi], pour la première fois de l’histoire, tous les yeux seront braqués sur le Salvador », a d’ailleurs claironné, lundi, dans un tweet le président Nayib Bukele, en annonçant dans la foulée que le pays avait acheté ses 200 premiers bitcoins.

Pour le chef de l’Etat et son gouvernement, la cryptomonnaie permettra aux Salvadoriens d’économiser 400 millions de dollars (337 millions d’euros) de frais bancaires lors des envois d’argent par la diaspora, notamment installée aux Etats-Unis, qui représentent 22 % du PIB du pays.

Cependant, plus des deux-tiers des 6,5 millions de Salvadoriens s’opposent pour la première fois à une décision du très populaire président Bukele, et disent dans deux sondages distincts vouloir continuer à utiliser exclusivement le dollar américain, la monnaie légale du Salvador depuis vingt ans.

« Ce bitcoin, c’est une monnaie qui n’existe pas, c’est une monnaie qui ne va pas profiter aux plus pauvres, mais aux plus riches. Qui, étant pauvre, peut investir, alors qu’il a à peine de quoi manger ? », s’enflamme José Santos Melara, un vétéran de la guerre civile qui a déchiré le Salvador de 1980 à 1992 et qui a manifesté vendredi contre la cryptomonnaie.

« Ce sont des décisions [prises] sans consultation par ce gouvernement et les parlementaires. (…) Les gens ne voient pas en quoi elles auront un impact positif pour changer de manière significative leurs conditions de vie », juge la directrice des sondages de l’Université centraméricaine (UCA) Laura Andrade.

Selon l’UCA, 65,2 % de la population n’est pas intéressée par le téléchargement du porte-monnaie électronique Chivo (« super », en langage familier) nécessaire pour effectuer des transactions de la vie quotidienne en bitcoins, malgré les 30 dollars de bienvenue offerts par le gouvernement. Une semaine avant l’entrée en vigueur de la mesure, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la capitale pour demander au Parlement de renoncer au bitcoin.

Mais la cryptomonnaie a aussi ses partisans : Jorge Garcia, un coiffeur âgé de 34 ans utilise le bitcoin depuis maintenant trois ans. Il estime que c’est une monnaie « d’avenir » et espère que « sa valeur va monter ».

Le Parlement salvadorien, dominé de manière écrasante par les partisans du président Bukele depuis les dernières élections législatives, a voté en juin la loi qui fait du bitcoin une monnaie ayant cours légal au Salvador, et qui oblige à « accepter le bitcoin comme moyen de paiement ». La valeur du bitcoin « sera établie librement par le marché », stipule la loi.

Poursuivant la mise en œuvre de la réforme, les députés ont approuvé mardi, à la demande du président Bukele, la création d’un fonds de 150 millions de dollars (environ 125 millions d’euros) destiné à garantir la convertibilité automatique du bitcoin en dollars américains.

En outre, 200 distributeurs automatiques permettant d’échanger des bitcoins sont en cours d’installation. Certains gardés par des militaires pour prévenir leur dégradation par des opposants.

Des économistes, mais également la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque interaméricaine de développement (BID) ont exprimé leur scepticisme.

Cette mesure aura « un impact négatif » sur les conditions de vie des Salvadoriens en raison de « la forte volatilité du taux de change » du bitcoin, et aura un impact « sur les prix des biens et services », selon l’économiste de l’Université du Salvador, Oscar Cabrera. Le bitcoin, c’est la promesse d’un « Titanic que personne ne gouverne », s’inquiète Oscar Cabrera, également ancien président de la Banque centrale du Salvador.

Le fait que la valeur de la cryptomonnaie soit déterminée « exclusivement par le marché » en fait une monnaie « hautement volatile », insiste la Fondation salvadorienne pour le développement économique et social. Cette dernière estime par ailleurs « inconstitutionnel » d’imposer « l’acceptation obligatoire du bitcoin comme moyen de paiement ».

Le populaire président Bukele, critiqué pour son autoritarisme et son mépris de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, a accusé l’opposition de vouloir « faire peur » à la population en dénigrant le bitcoin.

Craignant le blanchiment d’argent par des réseaux criminels, notamment de trafic de drogue, les Etats-Unis ont appelé le Salvador à « se protéger des acteurs malintentionnés » par un usage du bitcoin « réglementé », « transparent » et responsable.