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Luxe & pop : les clips, nouveaux podiums

À l’ère du digital, les marques de luxe réinventent leur communication, et les clips musicaux s’imposent comme les nouveaux défilés de mode. La collaboration récente entre Prada et la chanteuse pop Sabrina Carpenter illustre parfaitement cette tendance : les vidéos deviennent de véritables campagnes immersives mêlant culture, art et haute couture.

Dans le clip de « Manchild », Sabrina Carpenter ne se contente pas de chanter un tube accrocheur, elle incarne aussi l’univers Prada. Vêtue d’une garde-robe signée par la maison italienne, elle grignote des bonbons à la banane estampillés Prada, clin d’œil à l’imprimé iconique de la marque, tout en portant un nouveau rouge à lèvres encore non commercialisé. Ce clip fait suite à « Please, Please, Please » et « Taste », où Carpenter dévoilait déjà des produits de la ligne beauté Prada, comme un mascara et des rouges à lèvres.

Si des marques grand public comme Nike ou Pepsi intègrent depuis longtemps leurs produits dans les clips, les maisons de luxe étaient plus prudentes. Aujourd’hui, elles perçoivent ces vidéos comme un moyen puissant d’allier art et marketing. « Les clips musicaux sont un vecteur culturel fort qui reflète et influence les tendances sociétales », souligne Koo Sok Hoon, directrice marketing à The Travel Corporation et ancienne responsable chez Gucci. « L’alliance du son et de l’image crée une expérience multisensorielle qui marque les esprits bien plus qu’une publicité classique. »

Les jeunes générations, notamment la génération Z, consomment du contenu sur plusieurs plateformes et recherchent des histoires authentiques et divertissantes. « Contrairement aux formats publicitaires traditionnels, les clips intègrent les marques dans un récit de vie, rendant le message plus naturel, accessible et aspirant », explique Madina Kalyayeva, directrice chez Tilt. Le choix de Prada de mettre en avant un rouge à lèvres, produit de luxe plus accessible, facilite l’entrée des fans de Carpenter dans l’univers Prada, en ouvrant la porte à une fidélisation future vers la mode et les accessoires haut de gamme.

Authenticité et stratégie : un équilibre essentiel

La réussite de ces partenariats repose sur une vraie affinité entre l’artiste et la marque, un principe clé de l’influence marketing. Koo insiste sur la nécessité de laisser l’artiste exprimer sa créativité pour que la marque s’intègre naturellement dans son univers. De son côté, Kalyayeva rappelle que l’implication de la marque doit toujours être cohérente et non intrusive. La co-création avec les artistes est donc essentielle pour comprendre leur style narratif et leur audience.

Pour Lara Hussein, CEO de M&C Saatchi Malaisie, « les meilleures collaborations sont celles qui paraissent naturelles, où l’identité de la marque et celle de l’artiste s’amplifient mutuellement ». Elle insiste aussi sur l’importance de construire ensemble une pertinence culturelle et un attrait social.

Toutefois, ce modèle comporte des risques. Koo alerte sur le fait que si la marque est trop discrète ou vue trop brièvement, l’impact peut être nul. Kalyayeva met en garde contre les risques de réputation liés à d’éventuelles polémiques autour de l’artiste ou à une surexposition qui diluerait le prestige du luxe. Hussein rappelle également les enjeux juridiques et esthétiques, comme les problèmes de licences ou les incompatibilités de valeurs.

Exclusivité et image de marque dans un univers digital

L’exclusivité reste la pierre angulaire des marques de luxe qui s’aventurent dans les clips musicaux. « Une vidéo bien conçue et fidèle à l’image de la marque peut élever cette dernière au rang d’icône », explique Koo. Mais l’intégration doit être pensée pour préserver l’exclusivité et toucher la bonne audience. Le produit mis en avant doit apparaître comme un objet de désir naturellement intégré au monde de l’artiste, et non comme un simple accessoire clinquant.

La campagne Prada-Sabrina Carpenter illustre bien ce juste équilibre, où un produit accessible conserve la sophistication et la stratégie de la maison. Kalyayeva insiste sur l’importance que la collaboration prolonge l’histoire de la marque et cible des artistes et plateformes correspondant aux codes raffinés du luxe.

Enfin, Hussein souligne des piliers indispensables : investir dans une production cinématographique de haute qualité, préserver l’identité forte de la marque, et privilégier l’authenticité. « Du stylisme au scénario, chaque détail doit être parfaitement orchestré. Le luxe, c’est avant tout une émotion que la vidéo doit transmettre. »

Avec ces nouveaux partenariats, les clips musicaux s’érigent en véritables passerelles entre culture, création et commerce, devenant les nouveaux podiums du luxe à l’ère numérique.