Au Royaume-Uni, être père, c’est visiblement un job à mi-temps.
Deux semaines, pas un jour de plus : c’est le congé paternité que la loi accorde aux nouveaux papas. Et tant pis si la mère se remet d’une césarienne, si le bébé ne dort pas ou si la vie entière vient d’exploser en plein vol.
Ce constat, l’organisation Pregnant Then Screwed, engagée pour les droits des mères au travail, et le collectif The Dad Shift, ont décidé de le hurler haut et fort. Leur campagne s’appelle “Mother F**ker” — parce qu’il n’y avait pas de mot plus juste.
Une insulte faite aux mères, un système à bout de souffle
Le message est sans détour : ce congé ridicule ne “baise” pas les pères, il “baise” les mères.
Quand les hommes retournent bosser après 14 jours, des milliers de femmes, encore meurtries par une césarienne — une opération chirurgicale majeure — se retrouvent seules à tout porter.
Et les chiffres donnent la mesure de l’absurde : 42 % des bébés britanniques naissent aujourd’hui par césarienne, soit près de 230 000 mères contraintes à la débrouille dès la deuxième semaine.
Des cicatrices en guise de manifeste
Pour incarner cette colère, la photographe Sane Seven a capté des portraits sans filtre : des femmes, des cicatrices, et une lumière crue. Pas de slogans publicitaires, juste la réalité du corps qui a tout donné.
Sur les réseaux, la campagne s’est transformée en mouvement participatif. Des parents ont collé l’autocollant “Mother F**ker” sur leurs cicatrices, leurs poussettes, leurs escaliers, leurs objets du quotidien — autant de petits gestes de révolte contre une société qui leur dit : “Reprends ta vie comme si de rien n’était.”
L’égalité ne tiendra pas sans les pères
Derrière la provocation se cache un enjeu bien plus large : le partage du temps et des responsabilités.
“Prolonger le congé paternité, c’est alléger la charge mentale des femmes, mais aussi créer un équilibre durable au sein du couple”, explique Gemma Phillips, directrice de création de la campagne.
Les données de l’OCDE sont claires : les pays où les pères disposent d’un congé long et rémunéré affichent de meilleurs taux de retour à l’emploi pour les femmes et une plus grande stabilité familiale.
La comparaison avec la Suède, où les parents se partagent jusqu’à 480 jours de congé payé, est éloquente : là-bas, l’écart salarial hommes-femmes est deux fois moins important qu’au Royaume-Uni.
Quand le marketing devient acte politique
Ce n’est pas la première fois que Pregnant Then Screwed détourne les codes de la pub pour en faire des armes politiques. L’organisation a déjà frappé fort sur les questions de sexisme au travail et de précarité maternelle.
Avec “Mother F**ker”, elle pousse la logique plus loin : faire de la communication un outil de rébellion.
En s’associant à The Dad Shift, un collectif de pères militants, la campagne dépasse le féminisme classique pour défendre un modèle plus juste — où les pères ne sont pas des visiteurs temporaires, mais des parents à part entière.
“Une société plus égalitaire profite à tout le monde, même à ceux qui n’ont pas d’enfants”, rappelle Rachel Grocott, CEO de Pregnant Then Screwed.
Encore fallait-il le dire avec autant de rage, d’humour et de lucidité.
