Google dans la tourmente judiciaire pour son hégémonie publicitaire
Le 17 avril 2025, un jugement historique a secoué la Silicon Valley : la juge fédérale Leonie Brinkema a déclaré Google coupable d’avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité numérique. Cette décision fait suite à une plainte déposée en 2023 par l’administration Biden, qui dénonçait les pratiques anticoncurrentielles du géant technologique. Google, qui a déjà annoncé son intention de faire appel, voit ici l’un de ses piliers stratégiques remis en question.
Avec environ 75 % de ses 350 milliards de dollars de revenus en 2024 issus de la publicité, Google voit son modèle économique ébranlé. La juge a notamment pointé du doigt l’utilisation de pratiques telles que le « First Look » et le « Last Look », qui favorisaient systématiquement les propres services de Google au détriment de la concurrence. Ces dispositifs donnaient un avantage injuste à Google dans la sélection des publicités les plus rentables, freinant ainsi l’émergence d’acteurs concurrents sur les marchés des serveurs publicitaires et des plateformes d’échange.
Un écosystème verrouillé depuis le rachat de DoubleClick
Pour mieux comprendre l’ampleur de cette décision, il faut revenir à 2008, année où Google rachète DoubleClick pour 3,1 milliards de dollars. Ce rachat lui permet d’acquérir DoubleClick for Publishers (DFP), qui équipe alors les plus grands sites américains, ainsi que AdX, sa propre bourse publicitaire. En liant DFP à AdX et à sa plateforme d’enchères AdWords, Google construit un écosystème fermé, dans lequel les éditeurs et annonceurs se retrouvent dépendants de ses services.
Cette stratégie d’intégration verticale a permis à Google de dominer l’ensemble de la chaîne publicitaire, mais elle est désormais au cœur de l’affaire. Le tribunal a jugé que ces liens ont faussé le jeu de la concurrence, pénalisé les éditeurs et consolidé un monopole illégal.
Des sanctions potentiellement lourdes
Si la décision est confirmée en appel, elle pourrait entraîner des conséquences majeures pour le groupe. Le ministère de la Justice envisage des mesures correctives, parmi lesquelles :
- la vente forcée de DoubleClick et d’AdX,
- l’interdiction d’accords préférentiels avec des partenaires comme Apple ou Samsung,
- ou encore l’ouverture de certaines données à la concurrence.
Un démantèlement partiel serait un tournant inédit pour l’entreprise, et un signal fort envoyé à l’ensemble du secteur numérique.
Google se défend… partiellement entendu par le tribunal
Google, par la voix de sa vice-présidente Lee-Anne Mulholland, a exprimé son désaccord avec la décision. Elle a néanmoins rappelé que l’entreprise avait « remporté la moitié de l’affaire », le tribunal n’ayant pas retenu les accusations liées au marché des réseaux publicitaires pour annonceurs.
Vers un nouveau cadre pour la publicité numérique ?
Cette condamnation s’ajoute à d’autres procédures engagées contre Google, notamment dans le domaine de la recherche en ligne. Elle souligne la volonté croissante des autorités américaines et européennes de réguler les géants du numérique, et pourrait servir de précédent pour d’autres enquêtes antitrust.
Quel que soit l’issue de l’appel, une chose est sûre : l’avenir de la publicité en ligne ne pourra plus être pensé sans un profond réexamen des règles du jeu.